Les oeuvres (...) furent présentées au Salon des artistes français et à Mulhouse

Les oeuvres (...) furent présentées au Salon des artistes français et à Mulhouse

Rue Perceval

Rue Perceval

Un mariage d'artistes

Une grande fille quittant sa province pour aller à Paris était assez banal mais, que ses parents déménagent pour la suivre est plus insolite.

Des cinq fils Lestienne, Petit-père Charles qui était le plus jeune, avait très tôt travaillé au magasin, de 1919 à 1923. L’activité était importante puis un ralentissement se fit sentir. Le départ fut donc décidé, par fatigue ou désir de changement… Deux de ses frères étaient déjà à Paris. L’aîné, Louis, possédait une grande maison avenue de Breteuil (malgré la crise du logement, mal permanent). Charles, pour se loger acheta une petite maison tout près, rue Rosa Bonheur dans le 15e. Plus tard, l’aîné s’installa à Viroflay dans un grand pavillon et, dans la même rue, Charles, Jeanne, Madeleine et le cocker noir, Kam, en un petit pavillon s'y établirent également .

Tout au long de ces années, belles-sœurs, cousins, cousines, se rapprochèrent, profitèrent de l’affection mutuelle, partagèrent la musique, la peinture et parfois … quelques critiques et médisances. . En leurs dernières années, Maman Jeanne et Tante Gaby, chacune armée de son dictionnaire préféré, se chamaillaient encore avec les chiffres et les lettres, le Lexicon et les nouvelles à la télévision.

De Lucien Weil et Madeleine Lestienne on pouvait dire, «ils se fréquentent», avançant lentement vers notre mariage. En ce temps Lucien habitait un petit atelier, rue Perceval, un quartier d’étroites rues populaires entre la rue de l’Ouest et les lignes arrivant à Montparnasse : des voitures des 4 saisons le long des trottoirs, des étals de fruits et légumes et, vers le chemin de fer, des cours, des espaces, de vastes ateliers de sculptures monumentales ; j’ai vu tailler la pierre face au modèle en terre. A présent il n’y a que des restes de rues. Et, violemment surgie, la gare, la tour, de monstrueux magasins, des souterrains, de longues files de voitures et des feux rouges. La rue de la Gaité était pleine d’art, de créations ainsi que la rue Edgar Quinet ; puis le fameux carrefour de la «Coupole», la grande chaumière, le matériel et les modèles.

Nous avons beaucoup travaillé en cet atelier. Je venais de Viroflay pour le rejoindre. Un fauteuil Voltaire prêté par Untersteller fut résistant mais fatigué par nos temps de repos à deux rapprochés …

Puis ce fut le temps des concours aux Beaux-Arts, des salons, chacun dans sa région d’origine, créations d’affiches et beaucoup d’emballages à faire et à défaire. A Douai, on trouvait que je vendais cher mes petits "intérieurs" pour 1000 francs. Un architecte m’acheta une «nativité» démesurée (9 personnages) pour une église de village qui m’était inconnue (Eglise de Liévin, Pas-de-Calais – ndlr).

Nous avions compris qu’il fallait vendre au juste prix, si possible à des amis, en produisant des peintures venues du cœur, richesse à toute autre préférable. Nous pouvions toucher un salaire donc ces œuvres ne furent jamais revendues mais plutôt intégrées dans la famille.

Avant de présenter l’Alsace et les Vosges à Maman Jeanne, nous avons installé Maman Weil et Rosa, la sœur de Lucien, dans un appartement neuf à Neuf-Brisach. La charité publique les avait abritées dans une casemate de Vauban. Lucien devait aux mécènes de Colmar d’être professeur de dessin (Grenoble lui fut proposé) ; il aurait du épouser une fille d’Israël avec une grosse dot (elle était préparée). Ils surent passer de bienfaiteurs à amis et devenir des amateurs de notre peinture.

Mon bien-aimé peintre acheta sous la galerie du Paris Royal une bague de fiançailles, un saphir bleu-ciel entre deux petits diamants. Au curé de Viroflay, je refusais d’aller chercher une dispense à l’évêché. Ma vraie dispense était Lucien et sa pauvreté. Maman Jeanne confectionna une belle robe blanche, Petit-père commanda un grand dîner dans une belle salle de banquet à Versailles. Maman Weil était belle sous une mantille de dentelle noire et Rosa portait une robe de soie bleu-pâle. Sur le papier nous fûmes mariés le 12 mai 1930 à la mairie du 14e arrondissement, celui de notre petit atelier. Notre Maître, Jean-Pierre Laurens et sa femme Yvonne étaient nos témoins. Ce jour-là se mêlèrent amis, famille, la beauté et aussi un peu d'hypocrisie et de médisances. Ce n’est qu’au Vichy de Pétain qu’il y eut l’église, le prêtre et la suite de l’histoire.

Bien fatigués, rentrant de Versailles, nous nous sommes retrouvés enfin seuls. Mais nous avions froid ; mon époux descendit dans la fosse à charbon et nous avons allumé le poêle (A poils ? demande mon petit-fils aujourd’hui !). Un jour peu de temps après notre mariage, dans le coin cuisine vers 13h je déclarais, déçue : «Il n’y a qu’une tasse de café !». Et mon époux, tendre et très épris, de me répondre : «qu’est-ce-que tu vas boire ?» … cher Lucien…

Nous partîmes pour deux mois en Italie (grâce au pécule de Madeleine, obtenu avec les Fondations), faisant étape chez des amis suisses à Saint Gothard puis continuant vers Florence, Assises, etc. Nous finîmes par un séjour de repos sur l’Adriatique. Nous vîmes un jour dans les dunes un précurseur de Don Camillo quittant sa soutane pour un costume de bain...

Les œuvres réalisées en 1930 furent présentées au Salon des Artistes français et à Mulhouse : «Vue dans la vallée» sur fond de paysage vosgien, le portrait d’une cousine debout avec Mlle Colleye et Madeleine assises, de dos... Puis je posais longuement et avec affection pour mon portrait en robe de velours brun … que je trouvais finalement trop sombre et trop repris.

Dès 1933, un architecte commença à réaliser les plans de notre maison de la Butte au Cailles. L’atelier qui nous permettrait de protéger sans le disperser, le fruit de notre travail.

A suivre ...

Mon époux descendit dans la fosse à charbon

Mon époux descendit dans la fosse à charbon

Un architecte m’acheta une «nativité» démesurée (Exposée à l'église de Liévin)

Un architecte m’acheta une «nativité» démesurée (Exposée à l'église de Liévin)