MADELEINE WEIL-LESTIENNE

BIOGRAPHIE - SOUVENIRS

"Personne ne refuse un écusson"

L'écussonage

Le vestibule dont j’ai parlé, où se trouve Madeleine sur la première marche le plus souvent, si ensoleillé, conduit aux pièces de la maison. Ces pièces n’existent guère car je ne les aime pas. Parfois, domptée un peu par les caresses de la grand-mère, je la suivais de la salle au salon et au boudoir, mais le plus souvent je furetais loin de la maison.

Depuis ce vestibule, lieu central pour moi, je vais essayer de parler des jardins en gradins qui conservaient la forme des remparts si anciens de Péronne (de l’époque de Louis XI et Charles le Téméraire). Descendons de la cour au premier jardin :

Je jouais sur l’escalier et, très souvent, je suis tombée sur les grosses marches de pierre. Tout près, au bas du mur, c’est de la terre battue noire. J’y observe les fourmis, leur tends des pièges, les agace ou leur offre de bons bagages à transporter. Il y a une bordure de buis, de la mousse le long du mur, de toutes petites mauvaises herbes ; l’eau de la cour coule et tombe d’une pierre en forme de gargouille. Tout autour, les plantes de murailles se mêlent, cherchent l’eau. Tu connais peut-être la plante aux petites fleurs mauves qui pousse entre les pierres, même verticales et retombe si décorative, un lierre en miniature ; c’est là que je l’ai vue et aimée. Lorsque je la rencontre, je regrette toujours ce passé détruit et cet endroit d’où l’eau coulait.

Dans le premier jardin carré, il y a un grand parc de fraisiers, une allée en fait le tour. Des rosiers que « Père » a créés, s’élèvent tout le long. Des roses choisies, c’est une vraie collection dont il est fier. Il plante des églantiers déjà robustes et hauts et les écussonne. Je le regarde continuellement et lui pose sans cesse des questions : « Dis Père, qu’est-ce-que c’est ? Pourquoi, dis ? ». Aussi je peux t’apprendre comment on obtient de belles roses ! Un bout de branches portant un bourgeon, on le demande au voisin, à l’étranger, un passant en ville, au cours d’une promenade, d’un voyage. Personne ne refuse un écusson. Puis on détache avec soin le bourgeon, on entrouvre la peau de l’églantier en un T et on y glisse le petit œilleton. On y met un bout de laine, pas trop serré, qui le maintient et le protège. Il faut être patient, et un jour, un petit point rouge grossit, puis une pointe verte sort, puis la petite branches aux feuilles plus belles, aux formes plus rares que celle de l’églantier qui l’a adopté, puis les belles roses.

A suivre...