MADELEINE WEIL-LESTIENNE

BIOGRAPHIE - SOUVENIRS

Grand-mère Lestienne

Mon papa Charles, le benjamin des cinq fils que la solide grand-maman, veuve Lestienne, avait élevés, ayant toujours travaillé au magasin, les autres étaient partis diversement s’installer. L’imposante mère avait gardé, pour y loger, les belles pièces du premier étage, en façade. Je pouvais aller chez elle jouer, sagement installée sous la lourde table de la salle et, par exemple, rêver d’écurie pour mon bien aimé petit âne de drap gris clair rembourré.

Elle tricotait toujours des chaussettes en laine brun-rouge, la laine avançant sur son tablier bleu clair, impeccablement repassé, ses cheveux blancs finement frisés, les lèvres épaisses (un type resté en Flandre des Maures espagnols). Elle était dans un gros fauteuil près de la fenêtre, les rideaux très empesés relevés d’une épingle, le secrétaire d’acajou derrière elle. Elle y conservait les dragées de baptême de tous ses enfants. Elle gardait aussi de bons vins à la cave, que les allemands on bu entre 1915-1918. Ma famille en a conservé d’autres pour les allemands de 1940. Humour de l’Histoire : Guillaume II est passé sous les fenêtres, l’a saluée, ayant entrevu les cheveux blancs derrière le rideau…elle en fut fort vexée !

On recevait seulement des jouets à la St Nicolas ; pour moi un moderne mécano à Noël. Mettant sa cape doublée de petit gris, Madame Lestienne, appuyée sur sa canne, allait chercher chez le pâtissier voisin, les Kugnols, pain brioché en forme de bébé (de l’allemand Kind).

Parmi mes souvenirs, longuement et gravement, j’ai été souvent malade des bronches. En 1910, on attendait la comète (de Halley - ndlr) : grande inquiétude dans tous les journaux, la fin du monde était proche… Ma petite maman se révoltait auprès de la famille, ne voulant être inquiète que pour moi.

A suivre...