MADELEINE WEIL-LESTIENNE

BIOGRAPHIE - SOUVENIRS

Autour de la maison

La cour est plus haute que le jardin (dessous sont les anciens remparts de Péronne, datant de Louis XI) ; un escalier de cinq marches de pierres, très vaste, descend et conduit au jardin. Déjà, tu peux te figurer le petit mur bas et large sur lequel sont posés les pots de fleurs. On domine ...

D'un côté la cuisine, de l'autre l'ancienne chapelle : une fenêtre ogivale avec ses vitres qui dessinent des trèfles mais tout est cassé, blanc, gris, poussiéreux. Les araignées y pullulent. Pour voir, je leur donne des mouches qu'elles enveloppent promptement d'un petit sac de soie, ce sont des araignées de jardins, elles me sont sympathiques avec leur très gros ventre orné d'une épée blanche.

De ce côté, la pompe : un jour de lessive, je ne m'en souviens plus très bien mais on le raconte, j'ai reçu sur le front le gros et lourd levier de fer forgé. Puis le mur de la voisine. La voisine ! Un être si mystérieux qu'un jour candidement j'ai demandé : "Dis, Père, elle vit la voisine ?".

Au-dessus du mur, bien que je sois petite, je vois cinq des cheminées noires aux formes menaçantes ; des girouettes, l'une représente un dragon. Tout ce côté est couvert de vigne vierge. "Vigne vierge", le joli nom pour les enfants, la belle plante qui rougit de jour en jour en septembre. La beauté de cette histoire, c'est qu'il n'y a pas d'hiver dans ce souvenir.

Tout-à-coup Diane, hors d'elle, s'élance malgré son maître, elle piétine toutes les fleurs du bas du mur en hurlant. "C'est encore ce chat !" dit "Mère", mais je ne voyais jamais rien. La vigne vierge était trop touffue. Il fait mélancolique et un peu humide dans les coins de cette cour très ombragée de plantes grimpantes, aux racines puissantes. Dans cet angle on voit un banc de jardin vert foncé, toujours vide, sur lequel tombaient les feuilles rouges.

La cour près de la maison est au centre du domaine que je revois, elle est le lieu le plus précis, autour duquel se groupent les autres lieux que je te montrerai. Plus ils s'éloignent de là, moins ils m'intéressent ; j'étais si souvent là, près de la maison, près de la porte de la cuisine, solitaire mais tout de même près de la grand-mère qui était assise là.

La mansarde avançante, face au jardin, n'était pas bien haute dans le ciel. Le corps de la maison s'élevait lui, très haut, couvert jusqu'au sommet de gros jasmins de Virgine aux fleurs oranges, grandes comme ma main (de maintenant !). Loin du mur, je voyais se dessiner au bord du toit, certaines branches entourant sagement la fenêtre de la chambre de Tante Gaby… Tante Gaby était une jeune fille qui allait au bal, au tennis et je la respectais comme une petite fille respecte et envie une grande jeune fille (elle voyageait seule, aussi).

A suivre...

La pompe

Les jardins à Péronne